Aujourd’hui, c’est la Saint-Modeste. Pas facile, me direz-vous, de trouver un Modeste pour lui faire la fête. Ce calendrier est une belle preuve de déphasage. Mis à part au Sénat, au moins aussi décalé, où peut-on trouver des Anthelme, Odilon, Barnard, Fulbert, Prudence, Aymar, Médart, Fiacre, Thècle, Baudoin ou encore Bertille ?
À ce titre, on pourrait officialiser la Saint-Glin-Glin ; ça ne déposséderait personne. Vous me croirez si vous voulez mais, il y a cinq ans, au Mali, j’ai rencontré un type qui s’appelait Glin-Glin. Aussi farfelu que cela puisse paraître, le gars répondait avec bonne humeur au prénom de Glin-Glin. Il était né Pap Hamadou Konaré mais ses proches, avec le temps, lui avait attribué cette distinction. Il affectionnait particulièrement les bijoux. Ses nombreux bracelets s’entrechoquaient et chaque geste s’accompagnait d’un sonore glin-glin, d’où son surnom !
Monsieur Glin-Glin fut très touché d’apprendre qu’il existait virtuellement en France une célébration dont il pouvait se réclamer. En tout état de cause, le caractère profondément injuste des politiques migratoires offrait peu d’espoir à monsieur Glin-Glin de vivre cette expérience sur le sol français.
L’anachronisme de ce calendrier entraîne un regrettable déficit de « bonnes fêtes ». Permettez que l’on y ajoute par exemple une Samia et un Mamadou ; imaginez le nombre de gens comblés par des voeux de bonheur ! Cela participerait à casser le terrible théorème du « Celui qui ne figure pas dans le calendrier ne rentre pas dans les fêtes ! ».
Une de mes meilleures amies, Elsa, est institutrice dans la cité du clos Saint-Lazare à Stains, en Seine-Saint-Denis. Depuis longtemps, elle a abandonné l’idée de souhaiter, en l’état, les fêtes de ses élèves. Elle a pensé à élaborer un calendrier avec tous les prénoms des enfants qu’elle a croisés ces dernières années. Chaque jour, elle fait écouter à sa classe une musique d’ici ou d’ailleurs pour faire voyager, les yeux fermés, ces paires d’oreilles innocentes. Elle construit avec eux des instruments aux sons improbables : glin glin, teur teur, koum koum. Elle fait partie de ces gens capables de multiplier par vingt l’attention et la tendresse que l’on réserve à son propre enfant ; et ceci avec modestie.
Alors pour la Saint-Modeste, et comme j’en connais pas, j’en profite avec tous mes amis lecteurs pour célébrer, au beau milieu de l’Humanité, le jour de tes trente ans, Elsa.