Ecrit de mars 2007

Un pour tous ? Tous à la mer !

Voici une histoire écrite avec des enfants du quartier pour un concours organisé par la CAF ! Le sujet était "les bons moments". On éspère gagner le premier prix : une semaine à la mer !

C’était le 2 mai 2007. Tout notre petit groupe de l’ACJSD était là, à la CAF de Seine- Saint-Denis pour la remise des prix du concours d’écriture. On s’était cassé la tête pour inventer une belle histoire. Tous les samedi matin nous nous réunissions pour mélanger nos idées. Nous étions tous d’accord pour dire que notre histoire était géniale. Le jury allait sûrement kiffer la race de sa grand-mère la grosse (ou tout simplement adorer). Mais pour être honnête, nous n’étions pas fiers devant ce jury impressionnant. Certains d’entre nous commençaient même à trembloter de tous leurs membres. Notre copine Narimane entama même une danse du ventre. Heureusement la sécurité vint la calmer. Le président du jury, Daniel Picouly, qui avait pas mal picolé, leva son verre pour porter un toaste. Il déclara : « Au nom de toutes les grand-mères à moustache, je remets le premier prix d’écriture à ceux qui ont écrit la plus brillante et inventive des histoires, j’ai nommé les enfants de l’ACJSD ». Nous hurlâmes de joie, Narimane recommença sa danse du ventre. Cette fois, la sécurité nous laissa manifester notre bonheur. Tout à coup, on entendit des pleurs monter dans toute la salle. Nous regardâmes les autres enfants, leurs visages étaient rongés par le désespoir. Cela calma immédiatement notre excitation. Notre copain Loutfi déclara haut et fort : « Sur la tête de ma grand-mère qui parle pas français, je vous promets qu’on va tous vous emmener, les cousins et les cousines ! Rendez-vous tous le premier juillet à huit heures du matin devant la Basilique de Saint-Denis. N’oubliez pas vos affaires de vacances et surtout, ne dîtes rien à vos parents. Hip hip hip ? ». Et tous les enfants reprirent en cœur : « Houra ! ». Le jury, quant à lui, terrorisé devant cette foule excitée, s’était sauvé par une porte de secours.

Pendant des jours, nous cherchâmes la solution pour emmener tout le monde avec nous en vacances à la mer. Dans notre ville, à Dugny, il existe une caserne. Dans notre atelier d’écriture, il existe un fils de gendarme. Il s’appelle Djibril Fofana, et même s’il vit à la caserne, on le considère comme un enfant normal. Certains le traitent de « boloss », nous, c’est notre pote. Et d’ailleurs, c’est de lui qu’est venu l’idée géniale. Un matin, il est venu nous trouver avec un croissant et son sourire :
- « Les potes, j’ai trouvé la solution. Dans la caserne de papa, il y a plein de cars bleus marine.
- C’est ma couleur préférée ! cria Hasna la petite hamara (ânesse en arabe).
Les autres lui répondirent directement :
- Tu sais quoi ? On s’en ouf !
Djibril continua :
- Je sais comment les démarrer. Mon père me l’a appris un samedi après-midi. Normalement on y range des gendarmes, mais là on y mettra tous les enfants.
Myriam cria :
- Sur la tête de ma grand-mère qui fait du break, elle est mortelle ton idée boloss…heu…Djibril ».

Dans la nuit du trente juin au premier juillet, tous cagoulés, nous allâmes chercher les cars. En silence, nous suivîmes à la lettre toutes les instructions de Djibril le boloss. Au bout d’une demi-heure, nous avions sorti sept cars de gendarmes. Finalement, ce n’est pas bien compliqué à conduire avec la méthode boloss.
Devant la Basilique, tous les enfants nous attendaient. Nos copines, les jumelles Sarah et Shérifa, organisèrent la répartition des cars. On installa tous les jeux et les bagages dans les coffres où normalement sont rangés les boucliers, les casques et les matraques. Le temps était splendide, nous chantâmes en cœur la Marseillaise et hop, direction Biarritz.

Arrivés sur place, les gens de l’hôtel furent très surpris de voir arriver cent cinquante enfants de toutes les couleurs. Ils nous attendaient à sept et deux accompagnateurs. Changement de programme. Il fallait s’adapter, surtout que les deux accompagnateurs étaient restés dormir en Seine-Saint-Denis. Nous décidâmes d’installer toutes les affaires dans l’hôtel et nous dormîmes tous sur la plage à la belle étoile, chacun dans son duvet. Tous les soirs, nous faisions un grand feu et faisions griller des chamalos. A chaque veillée, un groupe d’enfants différent faisait un spectacle. Ce fut une semaine de rêve. Parmi nous, beaucoup n’avaient jamais vu la mer et n’étaient jamais partis en vacances. On était tous bronzés, sauf Djibril qui avait peur d’attraper des coups de soleil.

Le dernier soir, alors que nous étions tous autour du feu, nous aperçûmes des hélicoptères de combat survoler la plage. Au bout de quelques instants, nous fûmes encerclés par des membres du GIGN. Dans leur haut-parleur, ils nous ordonnaient de nous rendre et de relâcher notre otage Djibril. Dans la nuit, nous n’apercevions que leurs cagoules. Tous ensemble, nous allâmes à leur rencontre. Nous nous attendions à ce qu’ils nous ligotent et là, surprise. Les membres du GIGN enlevèrent leurs cagoules et nous reconnûmes toutes nos grand-mères qui étaient venues nous rejoindre, sauf celle de Djibril car elle était morte, miskina (la pauvre en arabe). Tous ensemble, nous nous installâmes autour du feu pour la fête la plus mémorable de notre vie. Si vous aviez vu la grand-mère de Narimane nous faire la danse du ventre : la grande classe !

CHADID Sarah
CHADID Shérifa
DEBBACHE Loutfi
FOFANA Djibril
KRIDENE Hasna
SIRAT Narimane
SYLLA Myriam