Griot, janvier 2008

Il est minuit et trente minutes ; nous sommes dans la nuit du jeudi 24 au vendredi 25 janvier. On m’a dit plus d’une centaine de fois bonne année ces derniers jours. J’ai répondu bonne année. Dans quelques jours, mon troisième album, Griot, sera installé un peu partout en France et les gens pour qui je chante prioritairement auront mis un pied dans ce nouveau chapitre. Je ne sais pas bien ce qui l’attend. Sans doute que les journalistes institutionnels l’esquiveront comme ses petits frères. Peut-être qu’une faille s’esquissera dans la jungle médiatique. Cela fait longtemps que je n’attends plus après ces gens de privilèges pour faire mon métier de chanteur avec l’honnêteté d’un travailleur. J’ai simplement le petit ascendant d’avoir combattu pour ma liberté et de n’être soumis à aucune forme d’autorité patronale.

Je sais que les réalités que j’observe et décris semblent tellement âpres qu’elles peuvent paraîtrent caricaturales ou démagogiques aux yeux des gens de pouvoir. Quand des journalistes de la presse bourgeoise qualifient de faciles certaines de mes cibles, c’est qu’il leur est tout bonnement impossible de comprendre le processus de radicalité qui anime ceux qui luttent avec la rage au ventre. Je chante prioritairement pour ceux qui comprennent le sens des luttes légitimes. Dans tous mes textes, résonnent la chanson « des cœurs purs ». Je suis profondément incorruptible et la seule idée de commerce ou de compromission m’apparaît comme une fuite vers la mort.

J’ai fait ce disque comme un livre de sentiments qui s’expriment au-delà de tout enfermement.

Je l’adresse à ceux que j’aime. J’en aime beaucoup, c’est pour cela que mes concerts ressemblent à des réunions de famille. Je chanterai tant que nous sera donnée la liberté de nous rassembler.

Sans rentrer dans des explications anthropologiques, je suis un griot. Je me reconnais dans ce cousinage interculturel des saltimbanques brailleurs de tous bords. J’ai ce privilège de réinventer chaque jour mon quotidien, d’y ajouter des notes et d’ouvrir la porte au bonheur ; il vient ou pas, comme dirait Roger Vaillant, écrivain communiste libertin. J’ai cette chance de chanter une pensée critique qui fait écho à des luttes clandestines. J’ai la chance de bénéficier de l’attention généreuse de quelques milliers de personnes et j’essaie de leur rendre ce cadeau de tous les instants.

Je sais qu’il existe des gens honnêtes et sensibles qui écrivent et promeuvent la chanson. Ils savent qu’ils ont toute ma confiance et mon amitié. Nous ne pesons pas lourds face aux forces de l’uniformisation mais notre sentiment collectif de résistance nous lie et nous oxygène.

Mes amis chanteurs et chanteuses du même cépage ont raison de trinquer.

L’album Griot est une nouvelle invitation sans visa, sans vison, sans videur à l’entrée et pas besoin de carton ; sans fouille au corps, sans arrêté d’expulsion, sans digicode, sans empreintes digitales… C’est au quatre vents que nous ouvrons le bal !

Ce disque sent bon l’Afrique mais aussi la transpiration des histoires pleinement vécues. Il est question à nouveau d’amour, de révolte, de voyage et d’amitié. En parlant d’amitié, mon pote Julien arrête la clope demain. Il a trente deux ans et tente en homme conscient et épanoui de s’affranchir des pauvres dernières aliénations que l’on nous présente comme du bonheur ou du plaisir ! Je suis fier de toi, psartek comme on dit ici. Il ne te reste plus qu’à maîtriser ta petite érection lors des rares victoires de l’Olympique de Marseille et tu seras presque libre !

En parlant d’amitié, ce disque est à nouveau un album de photos souvenirs pour la famille et les amis parce que sans eux, je ne suis rien.

C’est le début d’une nouvelle aventure. Je suis impatient de tous vous retrouver.

À bientôt