Voici un duo qui ne repose sur aucune stratégie suspecte de commercialisation, de type « on va les mettre ensemble, ça va créer du buzz ».
Ces deux chanteurs qui enchaînent respectivement albums et tournées depuis une dizaine d’années ont réussi à se construire des espaces de création qui ont trouvé des résonnances chez un public exigeant non versatile, tout comme chez une partie de la profession qui persiste à entrevoir le métier de façon sérieuse et inventive.
Batlik et Thomas Pitiot, ce n’est pas le mariage de la carpe et du lapin. Ce n’est pas non plus l’hôpital qui se foutrait de la charité, même si ces deux jeunes gens prennent un plaisir certain à se chambrer copieusement. N’oublions pas que la Seine-Saint-Denis, où ils résident tous deux, a vu naître les plus grands chambreurs de ces cinquante dernières années. Oui, il existe des chiffres officiels qui viennent corroborer ce qui est avancé présentement !
Aubervilliers, c’est sur ce territoire qu’ils se sont rencontrés en 2007. Depuis, ils construisent gentiment une relation de musicalamitié. L’entente à la ville a trouvé logiquement un prolongement pour un projet scénique et discographique.
C’est bien un mariage d’univers dont il est question ici. Tout a été discuté soigneusement, librement : l’agenda, le choix des musiciens, le principe de la tournée en duo, la communication, les différents partenaires, cette façon nouvelle de construire ce disque commun. Le travail d’écriture et de composition relève aussi d’un équilibre précieux ; nulle règle contraignante de départ, et pourtant une répartition naturelle des propositions de chacun.
Certaines chansons écrites à deux mains, d’autres à quatre. On s’échange les musiques, on fait coexister les mots, parfois une voix seule, rejointe par un chœur, puis un duo assumé.
Onze chansons, reflet de leurs humeurs du moment, entre transition, questionnements, voyages, retours, résistances, engagements.
Le titre du disque « La place de l’autre », dit assez bien la difficulté et aussi la richesse d’exister à côté de quelqu’un. Il est question ici évidemment d’une coexistence mais aussi d’une réflexion sur l’altérité, humaine et artistique. Les chansons proposées sont autant de tentatives d’expérimenter l’autre point de vue ; celui d’un fou ou d’une personne qualifiée de marginale, d’un vieux tirailleur sénégalais, d’un habitant du sud du monde, avec lequel on entretiendrait une relation de déséquilibre, d’une femme, d’un public.
Une reprise aussi, « Ma môme » de Ferrat, qui prend finalement plus la forme d’un clin d’œil que d’un hommage. Comprenez par là que l’hommage officiel à la Drucker n’est pas exactement une pratique dont sont coutumiers Batlik et Pitiot.
Le parti pris de départ de ce projet en commun est bien entendu de mettre en valeur les deux différentes personnalités artistiques. Batlik et Thomas Pitiot ont tous les deux donné une place importante au jeu de guitare dans leurs répertoires respectifs, tant au niveau rythmique que mélodique. Leur force, c’est aussi de proposer des textes solides dans des ambiances musicales groove ou métissées, là où il n’est souvent question que de prétextes.
Sur cette tournée qui n’excédera pas six mois, le choix d’une formule très légère avec trois personnes sur la route correspond à cette volonté d’aller jouer dans des lieux très différents, qui ne pourraient pas forcément accueillir leurs tournées respectives bien plus contraignantes en termes d’organisation, de technique et d’effectifs.
Jusqu’à début juillet 2011, attendez-vous à les voir traîner pas mal ensemble sur les routes de France, souvent accompagnés d’un chien qui s’appelle Raoul !