La voix du griot n’a pas d’âge,
Son enrouement c’est toute sa vie ;
Proche des histoires qu’il compte à ses proches,
Car les beaux contes font les vrais amis.
J’suis d’un pays à la frontière du capital,
Où l’on mange tous ensemble à la main,
Assis sur la terre,
Autour du même chaudron musical.
Si j’pianote, si j’griote, j’le dois à mon pater et sans avé
Place aux salamalexandrins !
J’me dois dans la griotte les soirs où j’désespère
Au fond d’la grotte avec les pas beaux, les vilains.
Quand l’balafon touche le fond, je dis « balle au centre » ;
La kora y croit encore et dans son antre,
J’sens qu’y a encore d’la matière, de la terre à mouler :
Terrasser les moulins et ne s’asseoir qu’à l’heure du thé.
Refrain :
An’ bora ioro, o yoro djéliba
An’ bora ioro, an’ djoli yé kélé ié
Le griot est l’crieur, l’ambianceur, partout chez lui ;
Connaît cent mille visages, des amis sur Saturne,
Apostrophe les puissants au nom des plus petits,
On le condamne pour dérapage ou pour tapage nocturne.
L’enfant griot a l’son des grillons en percussions ;
Les méchants râlent, traitent ses tontons d’cigales,
L’enfant griot pourtant joue avec les fourmis,
S’éloignent de la tanière pour embrasser la vie.
Le griot d’en bas s’accroche aux grillages,
Ses récits, sa grammaire sont d’un autre âge.
Histoires de gens qui font tomber les murs ;
Des aïeux, des grand-mères en premières de couvertures.
Le griot citadin mâche pas son peura et si ça t’dit
Te rappellera que le hasard social’ment est écrit ;
Au gré des paysages il est poly instrumentiste,
Calebasse de la kora, nacre de l’accordéoniste.
Refrain
Le vieux griot ne craint pas le jour des adieux,
Il s’en remet aux hommes davantage qu’à dieu,
Ira rejoindre les siens au creux du baobab ;
Et pour le taquiner, ils l’appel’ront encore toubab.