Premiers jours

Thomas Pitiot, 2006, in Griot

S’aimer comme une émotion musicale, ma rencontre avec
La musique mandingue, qui m’a rendu complètement fou.
Comme au jour de l’indépendance, comme un drapeau
Trop longtemps interdit, le jour de délivrance.
S’aimer, comme une guerre de libération
Contre le monde, contre moi-même, contre ma solitude.
Comme on abat un mur entre des peuples
Qui n’attendent qu’à s’aimer, regarde-les c’est sûr.
S’aimer comme on s’envole sans passeport ni trompette,
S’aimer comme on s’habille pour aller à la fête.
Comme on relit ses œuvres de jeunesse
Ou les ponts qui relient l’amour et puis l’ivresse.
Comme cette chanson qui m’accompagne depuis tout gamin,
Ces gens que j’aime aussi dont j’ai besoin.
Désir de silence, comme la sérénité juste après la souffrance ;
Comme une minute passée sous l’eau,
Pour un quart de seconde, se prendre pour l’oiseau.
Comme la rose d’un prince, tous deux uniques au monde,
C’est pour elle qu’il en pince.
Et comme aux premiers jours…
 
S’aimer comme un poème qu’on comprend pas,
Même si entre les vers on sent son cœur qui bat.
Comme cette chance qui m’a prise
Me laissant dans les mains une paire de valises
En criant : « Rentre tard et qu’importe les heures,
Il est urgent mon fils de découvrir l’ailleurs ! ».
Curiosité maladive, qu’a failli bien des fois m’ôter une incisive.
Comme au cinéma muet,
On entend mieux les gens pleurer ou être gai.
Comme un livre corné,
Bien qu’on ait lu l’histoire on veut recommencer.
Comme un disque rayé,
Qu’on garde pour la pochette on a racheté le cd.
Des souvenirs d’enfance,
Un pique-nique en famille près d’une rivière en France.
Nos premières espérances,
C’est deux mains qui se frôlent aujourd’hui recommence.
Comme cette respiration, qui fait tourner le monde
Et grandir les passions.
Et comme aux premiers jours…
Et comme aux premiers jours…