A deux cents mètres de chez moi, y’a un appart’ que j’connais bien,J’y ai passé vingt ans de ma vie, à chanter tous mes lendemains.L’oisillon a quitté son nid pour s’envoler un peu plus hautMais revient souvent le midi picorer dans l’ancien frigo.L’oisillon a quitté son nid en emportant quelques photosEn chantant « Au clair de la lune », au revoir mon ami piano.J’ai cherché pour me consoler des cordes pincées, des balafonsEn essayant de conjuguer darboukas et accordéons.Je m’baladais mains dans les poches dans les orphelinats d’piano,Les Steinway me trouvaient trop moche, je trouvais trop chers les Gaveau.Et puis on me l’a présenté, gêné comme à l’adolescence,Honteux d’être désaccordé, intimidé par ma présence.C’était un piano ordinaire qui menait sa p’tite existence.On ne lui insufflait plus d’air, il soupirait en longs silences.Deux déménageurs anonymes encordés à mon HLMLivrèrent la bête à domicile, j’vous paie au black m’sieur l’père Noël !J’ai même sorti des vieilles partoches de Bartok et de Stravinski,Mes doigts ont vieilli, c’est trop moche, je m’essaie aux Gymnopédies.Fallait me voir quand j’étais mioche, j’pianissimais en érudit,J’mezzofortais comme un gavroche puis j’ai découvert… Platini.L’amie guitare est en colère, me joue l’air de la jalousieElle pleure en regardant la mer et ce paquebot qui la défie.Si j’avais quatre mains mes amours, elle aurait pu sécher ses larmesLe piano aurait dit bonjour et j’aurais joué en polygame.L’voisin du dessous est mélomane, il aime la musique à ses heuresMais je martèle ses cordes sensibles quand je joue après 22 heures.Un jour je lui dédicacerai mon requiem des HLM.Quel bonheur la promiscuité, d’ailleurs on s’est promis d’s’cuiter….J’dois lui descendre une bonne bouteille.Le soir quand le soleil se mouche j’éternue en m’accompagnantDe quelques accords que je couche au bonheur des gammes, noir et blanc.J’invente des couleurs à mes touches, je démêle des trilles trop fâchéesD’avoir langui dans mes babouches après mon accident d’clavier.Allez j’vous invite au pique-nique, j’vous ferai l’ambiance pour le gâteauAu dessert on sert d’la musique avec une cerise sur le… piano.





