La maîtresse est stressée ;Il faut dire qu’aujourd’huiElle se fait inspecter.Même si elle est habituée,Elle a tout bien rangé,Elle a dit « J’suis malade,Ne me faites pas crier ».La maîtresse est flattée ;Y’a un ancien élèveQui est venu l’embrasser.Il est fier d’être inscritA la fac de Saint D’nis,Il lui a dit « Vous êtesToujours la plus jolie ! ».La maîtresse est soulagée ;Hier soir le spectacleS’est bien déroulé.Il a un peu plu maisLes parents étaient contents,Elle a versé une larmePour les applaudissements.Elle se souvient de la journée à la merEt d’ces gamins qu’avaient jamais goûté à l’eau salée,Elle se souvient de la classe de neige comme hierEt de ces gamins qu’avaient jamais vraiment bien vu l’hiver.La maîtresse est comblée ;Ils ont gagné l’concoursDe poèmes cette année,Avec une mention spécialePour l’enfant turbulentQu’elle a sauvé de justesseDu perfectionnement.Dans la salle des maîtresElle a r’joint ses copinesEt celles avec qui elleMange pas à la cantine ;Et le seul maître à bord,Le seul homme, qui voulaitEtre pompier quand il était môme.Elle dit qu’elle va s’syndiquerQu’elle peut plus supporterDe voir une nouvelle foisCes budgets tailladés.Elle ira défiler, dès la rentrée,Avec quelques parentsPar solidarité.Et les langues de pierre, cœurs de vipère,Qu’ont jamais rien donné qu’ont jamais rien offertDiront du mal des fonctionnaires et d’la maîtresse,Elle, elle chantera « Des moyens pour notre jeunesse ! ».Elle se souvient d’la gamine raccompagnéeChez les parents qui l’avaient oubliée.Elle souvient des kilos de chocolat EDMangés car offerts avec sincérité.Elle se souvient des dizaines de bracelets perlés,Cadeaux de la maman qui parlait pas français.Elle se souvient de ces petites bouches édentéesDes avalanches de bisous qui criaient « bonne année ! ».La maîtresse est fatiguée,Dans la classe silencieuseElle sent que c’est l’été ;Pendant deux mois,Personne ne l’appellera maîcresse,Endormis les p’tits ilsEt elles avec un s.La maîtresse commence à s’impatienter,Elle a déjà finiTous ses romans d’été.Le silence estA deux doigts de l’agacer,Elle attend que résonneLa cloche de la rentrée.





