Le cloude enrhubé

Thomas Pitiot, 2003, in La Terre à Toto

J’ai j’té mes chaussures, mon costume et mon maquillage,
Mais j’ai gardé mon nez qu’a tant fait rire et tant s’moquer.
Ca m’a jamais vexé, j’ai toujours aimé les enfants
Même, même si j’enviais parfois l’clown blanc
Qu’avait toujours raison, les gens votaient pour lui ;
Moi, j’suis toujours sincère dans c’que j’dis.
Elles sont parties les caravanes et j’ai même pas pu dire adieu,
A la danseuse qui m’avait dit « J’aime bien tes yeux… ».
 
Refrain
Je sais que j’devrais m’découvrir le nez mais j’ai ma fierté,
Même si je n’suis plus qu’un vieux cloude enrhubé
Qu’a plus d’chapiteau et qui s’assoupit tard,
Dans son p’tit cirque noir.
 
Comme j’ai pas envie d’me ramollir le corps et l’esprit,
Tous les sam’dis matins, j’vais dans l’square saluer les gamins
Et debout sur un banc, j’leur raconte l’histoire de Gontran
Qui mangeait les poissons rouges de Grand-Maman.
Ca fait rire les enfants, ça dure jamais longtemps,
Ca fait plus rire personne quand apparaissent les deux agents ;
Ils veulent plus d’moi dans leur secteur depuis qu’j’ai dit en plaisantant :
M’sieur l’inspecteur, j’suis amoureux d’votre déguisement.
 
Refrain
 
J’ai lu dans l’journal qu’on était encore davantage
A vivre en marginal, en décrochage en décalage
Et j’ai même lu plus bas que les lascars de mon quartier
Avaient volé un lama pour lui r’donner sa liberté.
Ca m’a fait rigoler, moi qui suis du métier
Je sais qu’c’est pas facile d’être un lama dans une cité,
D’être un p’tit jeune ou une grand-mère, une minette ou un ouvrier,
Ca traîne dans l’air, on est tous en train d’s’enrhuber.
 
Refrain